Les allergies sont un problème majeur de santé publique et se déclarent dans la majorité des cas en début de vie. Afin d’établir une prévention optimale, il apparaît essentiel de mieux comprendre la mise en place des réponses immunitaires dès le plus jeune âge. La tolérance orale est un mécanisme de régulation fondamental au niveau de la muqueuse intestinale, qui permet d’induire une tolérance locale et systémique à l’encontre d’antigène administré oralement. Bien que ce mécanisme ait été bien étudié dans la prévention des allergies chez la souris adulte, très peu d’études se sont intéressées à la possibilité d’induire de la tolérance orale chez le nouveau-né.
Au cours de ma thèse, j’ai étudié l’ontogénie de la tolérance orale en administrant au souriceau un allergène modèle, l’ovalbumine (OVA), au cours de la 1re, la 2e ou la 3e semaine par voie orale, via le lait maternel. Afin d’évaluer l’efficacité de la tolérance orale, j’ai étudié chez ces mêmes souris à l’âge adulte, les réponses allergiques à l’OVA au niveau respiratoire afin de déterminer si une tolérance systémique avait bien été établie.
(1) Lorsque le souriceau reçoit l’antigène par voie orale au cours de la 3e semaine, il est protégé à l’âge adulte contre le développement d’allergies. Contrairement à ce qui est décrit chez l’adulte, cette tolérance orale n’est pas médiée par l’induction de lymphocytes T régulateurs Foxp3, Tr1 (sécrétant de l’IL-10) ou Th3 (sécrétant du TGF-β), mais par une déviation des réponses immunitaires vers une différenciation de type Th1, médiée par l’IFN-g ; (2) lorsque le souriceau reçoit l’antigène au cours de la 1re semaine de vie, il n’y a pas de mise en place de tolérance orale. L’étude de la fonction et du phénotype des cellules dendritiques des ganglions mésentériques du souriceau m’a permis de mettre en évidence un défaut de présentation de l’antigène aux lymphocytes T CD4. Ce défaut est associé à un déficit d’expression par les cellules dendritiques CD103+ de la rétinaldéhyde deshydrogénase (RALDH), enzyme responsable de la conversion de rétinol en acide rétinoïque, un cofacteur de différenciation des lymphocytes T au niveau de l’intestin. Ce déficit est associé à une déficience en rétinol sanguin chez le nouveau-né ; (3) afin de confirmer que cette déficience était bien à l’origine des défauts du système immunitaire observés en début de vie, j’ai administré un régime enrichi en vitamine A aux mères allaitantes. Ainsi, j’ai pu augmenter les taux de rétinol sanguins du nouveau-né et le pourcentage de cellules dendritiques CD103+ RALDH+, améliorant ainsi la capacité des cellules dendritiques néonatales à présenter l’antigène et à induire une différenciation Th1. Enfin, cet enrichissement de l’alimentation maternelle avec de la vitamine A a permis d’établir de la tolérance orale dès la 1re semaine via un mécanisme comparable à celui observé chez les souriceaux âgés de 3 semaines, à savoir une déviation vers une différenciation Th1.
Ma thèse apporte des connaissances fondamentales sur les capacités immunitaires du nouveau-né et notamment sur la fonction de ses cellules dendritiques au niveau de la muqueuse intestinale. Le déficit en vitamine A du nouveau-né joue un rôle central dans son incapacité à mettre en place de la tolérance orale et à se protéger contre le développement d’allergies. Ces observations suggèrent de nouvelles voies de prévention des maladies allergiques adaptées et spécifiques au début de vie, telles que la supplémentation en vitamine A.
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Publié par Elsevier Masson SAS.